❝C'est sous ce froid glacial de mi-décembre qu'il est parti. Toujours je me rappellerai ce moment. Le jour le plus atroce de ma vie. En même temps, c'était un peu de ma faute, j'ai trahi sa confiance. Mais comment réagiriez-vous si l'amour de votre vie fichait le camp, comme ça? J'vous jure, ça te transperces le coeur comme un putain de couteau. C'est comme une brique échappée du septième étage qui s’affaisse sur ta tête. Je réchauffai la glaciale fenêtre embuée et le regardai quitter, la couverture autour du corps et la tristesse et la colère dans l'regard. Le temps était terne et même si Londres est toujours morne, on dirait que c'était encore pire cette fois-ci.❞

Mes pas avançant en synchronisme, les rassurantes chansons du groupe que je chérissais le plus parvenant à mon ouïe et les joues rosées par le froid, les rues achalandées de Londres ne parvenaient pas à m'effrayer cette fois-ci. La Tamise était calme, contrairement à la population londonienne. Sept heures du matin, l'heure d'achalandage. Je les regarde tous, et ça me fait ricaner à l'intérieur. Tous ces hommes et ces femmes en habits bien repassés, les cernes jusqu'au cou. Je me demande depuis quand ils exercent leur métier. S'ils ont un mari ou une femme, des enfants, un chien. De quoi ils avaient l'air lorsqu'ils étaient gosses. Mes lèvres se courbèrent en un espiègle sourire et je continuai ma route. J'arrivai devant ma destination: la librairie de mon père, mon lieu de travail. Humble commerce, mais tout de même très intéressant. À parler ainsi, je me croirais être Belle, le protagoniste du conte de fée. La sonnette de l'entrée retentit et je retirai mon chapeau.

« Salut. » marmona l'employé déjà présent. Penché au-dessus de son journal posé sur le comptoir de la caisse, ne prenant même pas le temps de me regarder. Si je ne le connaissais pas, j'aurais pu qualifier son attitude de grossière, mais bon. Reade était ce qu'on pouvait qualifier d'un véritable artiste incompris. Guitariste, lui et son band rêvaient de gloire. Ses cheveux frisés, ses vêtements un peu vintage, ses S. Perry et ses lunettes de vision Ray-Ban finalisaient son look hipster. Il était vulgaire dans son langage et fumait comme un pompier. Néanmoins, j'appréciais Reade, nous entretenions une belle relation amicale. Je le saluai à mon tour et retirai mon manteau. « Dis, Marin, t'as pensé à ma proposition, hein? » Soupirant, je levai les yeux au ciel. Sa proposition, bien sûr. Après m'avoir entendue chanté, alors que je croyais être seule dans la salle d'employés, Reade m'avait tout de suite proposé de devenir la chanteuse de son groupe. Ne sachant pas quoi répondre, je lui dit donc que j'allais y songer, n'étant pas très à l'aise avec le fait de chanter en public.