How long, how many lifes, how many silence ? (Trish)

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« Excuse-moi, tu n'aurais pas un dollar par hasard ? Il me faut absolument ma dose de caféine et il me manque... »

Je me retourne tranquillement vers la jeune étudiante qui vient de m'aborder, prêt à sortir un billet quand son regard croise le mien.

« Heu, laisse tomber c'est bon. Je vais m'en passer. »

Jenny Nicholson, vingt-et-un ans, étudiante en cinématographie à l'université de New-York, addictive de la caféine. Je lui adresse un petit sourire mais elle s'est déjà sauvé. Elle m'a reconnu. Elle était ma voisine de chambre, l'année dernière, et ma réputation de mec bizarre m'ayant suivit jusqu'à la fac, elle et ses copines prenaient un plaisir évident à discourir sur ma personne lorsque mes oreilles étaient à proximité. Jenny Nicholson, addictive de la caféine m'avait reconnu et n'avait pas hésité à se passer de sa ration journalière de café pour ne pas à avoir à m'emprunter de l'argent.

J'ai l'habitude.

Il est dix-huit heures et j'attends un coup de fils des mes parents. Coup de fils qui ne vient pas, évidemment. On ne fait pas plus irresponsable que mes parents. Ça aussi, j'ai l'habitude. Plus le temps passe et plus je remarque que tout dans ma vie est régit par l'habitude. Parce que j'ai pour habitude une réputation de gars étrange, je ne fais rien pour changer. Parce que j'ai pour habitude de faire ce qu'on me demande sans broncher, je vais terminer mes années à l'université sans avoir étudier ce qui me plaisait. Parce que j'ai l'habitude de commander un expresso, je commande un expresso même si je déteste ça.

« Un expresso, s'il vous plait. »

J'ai toujours eu envie de goûter leur Frappucino Moka. Je ne l'ai jamais fait. Pourquoi l'aurais-je fait ? Ça ne me ressemble pas. C'est inutile, futile. Je me contente du nécessaire, de l'essentiel. J'ai tellement envie de goûter une de leur pâtisserie mais, ce n'est pas mon genre, pas dans mon habitude. Ce n'est pas Chaz. Je patiente tandis que le caissier encaisse ma monnaie. Je prends un air courtois, presque chaleureux mais il fixe bêtement sa machine, le visage fermé. J'imagine que trop de clients tuent l'amabilité.

Mon café brûlant à la main, je me dirige vers la sortie quand mon téléphone sonne, manquant de me faire renverser ma boisson. Prudent, je la pose sur la première table à ma portée et décroche, non sans avoir eu le temps de voir qui était mon interlocuteur.

« Quand vous dites une heure, appelez à l'heure. Pas une demie-journée plus tard ! » Je m'attends à la voix de ma mère mais c'est ma plus jeune sœur qui me répond. « Inutile de ronchonner, Charles. Tu connais comme moi papa et maman, ils sont sur un autre monde... » Je reconnais que mon génie de sœur a raison. « Pourquoi m'appelles-tu, Lenor ? » Lenor est un génie au Q.I de 160. Lenor a huit ans. Lenor est aussi très pénible. « C'est évident, grand frère. Je t'appelle à la place des parents. Ils étaient censé te donner des nouvelles de tout le monde. Et au passage, t'informer que le problème de la banque est réglé... » Je soupire intérieurement. Ça faisait plus d'un mois que ma banque refusait ma carte bancaire. Vivre que de billets et de pièces, j'ai cru mourir.

« Oh, et que Pomme s'est encore cassé le bras. » Pomme est une vraie casse-cou. Chaque année, elle a le droit à un plâtre. « Olive a pleuré pendant des heures, j'ai bien eu envie de la bâillonner mais Paz me l'a déconseillé, me rappelant que la violence n'est guère diplomatique... » Olive est très émotive, surtout lorsqu'il s'agit de sa moitié. C'est comme si elle pleurait pour deux, vu que jamais Pomme ne montre jamais ses larmes. Quant à Paz, je suis fière d'elle. Elle prône le pacifiste et la paix à tout bout de champs (ce qui peut se révéler pénible à la longue) mais au moins, influence les envies meurtrières de Lenor qui a tendance a être très... spontanée.

« ... donc c'est pour ça que je l'ai viré ! Tu comprends, il le fallait. Elle n'allait tout de même pas empiéter sur ma vie privée, bon sang ! » Je coupe le génie dans son monologue (on finit toujours toujours par décrocher). « Lenor ! Où sont les parents ?! » Je cries presque. « Et ben, à Madagascar » me dit-elle comme si c'était une évidence. Alors que non, ce n'est pas évident puisqu'ils devaient tout juste rentrer de Tokyo.

Sous le coup de la surprise, j'esquisse un grand geste de la main Geste qui va renverser mon expresso sur la table où il attendait gentiment la fin de mon appel. « Bordel de merde. » « On ne jure pas, Charles. » « Ne m'appelle pas Charles ! » Je ne sais pas pourquoi, Lenor est la seule de mes cinq sœurs à m'appeler par mon véritable prénom. La seule tout court, d'ailleurs. « Qu'est-ce qui se passe ? » demande-t-elle quand même, sur un ton on ne peut plus blasé. « Laisse tomber. Et embrasse tout le monde pour moi. Salut. » Je m'empresse de raccrocher et me précipite sur la fille qui était assise à la table, je viens de le remarquer. Je ne crois pas l'avoir éclaboussée ni ébouillantée mais je me sens mal, surtout vu l'état de la table. « Je suis absolument désolé... Trish ?! »

Trish-Olivia Wakefield ? Pas possible. Pourtant, si. Je la reconnaitrais entre mille, malgré le temps qui a passé.